Édition du vendredi 02 mars 2007
Bienvenue dans l'antre des grosses têtes !
L'atelier de réalisation Maurice-Parois abrite les coulisses du carnaval de Nantes. Un merveilleux monde de carton-pâte peuplé de passionnés.
Au 188 de la rue de Sainte-Luce se trouve un immense hangar. Couvert de tags, il ne paye pas de mine. Mais une fois la porte franchie, on découvre le monde si particulier des carnavaliers. Une odeur de colle flotte dans les airs. Coluche, Louis de Funès ou Buster Keaton, les plus grands comiques du XXe siècle, sont là. Cette année, le carnaval, parrainé par le festival Juste pour rire, a pour thème l'humour.Un peu plus loin, Sophie la girafe boude Couillu le Caribou. Si le doudou des enfants est fin prêt à défiler, le cerf créé par l'humoriste Laurent Gerra est encore en pièces détachées. Dans ce joyeux fatras, l'oeil ne sait où se poser. Tout est excessif. Démesurément excessif. Les couleurs rivalisent de vivacité, les traits des marionnettes géantes sont caricaturés à l'extrême. Leurs nez ne sont ni des caps ni des péninsules mais des continents ! Dominé par tout ce qui nous entoure, on se sent l'âme d'une fourmi.« On est à la bourre »Dans un coin, Théo, 14 ans, et Vincent, 76 ans, font équipe. Ils sont penchés sur une voiture de papier grandeur nature. « Notre char représentera un train qui passe à travers une maison pour renverser une voiture. Sympa non ? » s'enthousiasme l'adolescent, le visage et les cheveux constellés de peinture bleue. Quand on s'interroge sur la réalisation d'une telle prouesse technique, Vincent hausse les épaules et déclare avec philosophie : « Ici, on fait le maximum avec le minimum. »Partout, les artisans de la débrouille s'agitent. Plus que trois semaines avant le jour J ! Les équipes n'ont plus de temps à perdre. De tous côtés, on scie, on colle, on gratte ou on soude. « Chaud devant ! » lance Jacques, perché sur son transpalette, avant de s'éloigner dans une allée. Quand on le retrouve, peu de temps après, il s'est transformé en soudeur. « Ce gars-là sait tout faire », indique un de ses équipiers. Modeste, Jacques fait la sourde oreille et change de sujet. « On est à la bourre, on a voulu refaire le char des reines de Doulon et ça nous a mis dedans. » Il refait un point de soudure, se redresse et ajoute : « Enfin, même si ça se fait parfois dans la douleur, on y est toujours arrivé. »Cette période est toujours un peu difficile pour les carnavaliers. Chaque jour qui passe voit la pression monter. « Si on n'est pas passionné, on ne tient pas le coup », assure Daniel. Il en sait quelque chose, il fait partie de l'aventure depuis 46 ans. Il sait aussi qu'il rempilera l'an prochain. « Si on peut faire oublier leurs soucis aux gens avec nos bêtises, c'est l'essentiel. »Généralement, à l'issue des défilés, les carnavaliers démontent les chars. « Un vrai crève-coeur » pour Morgane. Et pour les autres. Car chacun nécessite environ 600 heures de travail. Mais cette année, les chars connaîtront une seconde vie. Au printemps, ils traverseront l'Atlantique, direction Montréal... en compagnie de leurs créateurs. Aux « cousins » alors de « tomber en amour » pour ces belles grosses têtes !
Ouest-France